LE CAUSSE AU PRINTEMPS
Qui croirait notre causse aride lorsque balbutie le printemps?
L’herbe verdit sous les fourrés
Avant de revêtir les prés
D’un vert lumineux et brillant.
Les hépatiques viennent au monde,

Blanches ou bleues pistils dressés,
Et leurs curieuses feuilles rondes
D’un vert pur de carmin ourlé.
Déjà, sous la mousse ou dans les murets,

Bien timidement la violette,
Que révèle un parfum discret,
Ose ses bleus azur et ses mauves pourprés;

Tandis qu’envahissante, la pervenche
Tapisse les combes douillettes
De mille étoiles d’un bleu si vrai.

Quand aux muscaris, en revanche,
- on les nomme petits curés -
C’est un violet ecclésiastique que va revêtir leur livrée.
Notre printemps serait donc bleu?
C’est pour mieux annoncer le jaune

Qui s’en va prendre le relai.
Car éclatant, selon l’usage,
sera le jaune
Du pissenlit dent de lion qui parsèmera nos herbages,
Ou plus soufré celui du coucou primevère.

Lors les suivront jonquilles naines en régiments
Bien regroupés, par ci, par là,
Pour mieux éclairer nos jachères
Nous enivrant de leur si entêtant arôme.

Vois, sur la colline douce et belle
Par l’antique menhir couronnée,
Tout près d’elles
Les iris nains, blancs, bleus ou jaunes,
Lorsqu’ils ne sont pas tigrés
Grâce aux abeilles butineuses
A fleur de terre pointent leur nez.
Orgueilleuses ,

Les asphodèles
Dressent leurs hampes glorieuses.
C’est qu’elles guettent en sentinelles

L’autre printemps qui va venir
Et verra éclore de rose
Les odorants coussins du thym.

Et par un lumineux matin,
Nous asseyant près du menhir,
Alors que point l’astre solaire
Accompagné d’un vent léger,
Emplis de ces parfums divers,
Nous goûterons au privilège,
- Pour un temps -
D’assister seuls au sortilège
Du plus caussenard des printemps.
Michèle Puel Benoit